Edith Amsellem fonde la compagnie ERd’O à Marseille en 2012, avec le désir d’explorer deux axes qui demeurent au cœur de sa démarche : interroger la place des femmes dans la société, et emmener le théâtre dans des espaces non dédiés, pour mettre en tension des textes et des thématiques avec des lieux particuliers, qui, par leur fonction sociale ou symbolique, révèlent de nouvelles strates de sens.
Ce qui traverse l’ensemble de son parcours, c’est une approche résolument pluridisciplinaire. Si le théâtre est le socle, il dialogue sans cesse avec d’autres langages : la danse, la musique, le chant, la performance, l’art plastique.
Chaque création dépasse le cadre d’un simple spectacle. Edith Amsellem les conçoit comme des aventures, des constellations. Ce mode de fabrication repose sur des temporalités longues, nourries de rencontres, d’ateliers, d’enquêtes, de formes satellites ou de commandes spécifiques. Ce processus, fondé sur la relation à l’autre, a transformé peu à peu la nature même de ses pièces, faisant du participatif un levier central de création.
Dans le premier spectacle de la compagnie LES LIAISONS DANGEREUSES SUR TERRAIN MULTISPORTS (2012) d’après Laclos, elle investit les terrains de sports dans leur fonction ludique, pour ajouter à la dramaturgie une métaphore sportive, un match femme-homme, duel de domination et de désir, à la vie à la mort.
Avec YVONNE, PRINCESSE DE BOURGOGNE SUR CHÂTEAU-TOBOGGAN (2015) d’après Gombrowicz, elle transpose la cour du roi sur les modules récréatifs de cour d’école maternelle et jardin public, royaume exutoire de la petite enfance, et interroge la femme bouc émissaire et le mépris de classe. Une actrice différente incarnait le rôle-titre à chaque représentation, renforçant la cruauté du propos. (Lauréat de la Bourse à l’écriture Écrire pour la rue de la DGCA et de la SACD en 2014 et en 2016 Prix de la meilleure compagnie au Festival International Gombrowicz en Pologne )
En 2017, inspirée et interrogée par des versions méconnues du Chaperon rouge, centrées sur l’éducation des filles et la figure de la proie, elle propose J’AI PEUR QUAND LA NUIT SOMBRE une installation théâtrale, plastique et sonore pour parcs et jardins publics à la tombée de la nuit.
En 2020, VIRGINIA À LA BIBLIOTHÈQUE voit le jour d’après Un lieu à soi de Virginia Woolf, traitant de la place des autrices dans l’histoire de la littérature. Dans chaque lieu, une bibliothécaire y incarnait son propre rôle, croisant sa parole avec celle de Virginia Woolf.
VOUS ÊTES ICI est créé en 2022, une invitation joyeuse à célébrer le spectacle vivant en général tout en désossant la carcasse du théâtre qui accueille la pièce. Cette cérémonie donne à voir l’envers du décor de ces machines à rêver que sont les maisons de théâtre. À chaque représentation, les interprètes accueillent sur scène par dix membres volontaires de l’équipe du théâtre, mettant en lumière celles et ceux qui, habituellement dans l’ombre, rendent possible la magie du spectacle.
En 2023, elle amorce une nouvelle constellation, autour de sa prochaine création participative LE GRAND DÉFILÉ qui explore les représentations du genre féminin à travers le prisme du vêtement :
– LES BEAUTÉS première forme satellite, est créée en 2024 à la Maison Jean Vilar à Avignon, dans le cadre d’une commande du Festival C’est pas du Luxe ! avec des mineurs et des mineures isolés et en exil de l’association Rosmerta. Ce défilé performatif, fruit de plusieurs mois d’ateliers, devient un geste de dignité et d’affirmation de soi.
– En 2025, elle conçoit LES SUPERBES une petite forme participative qui invite des groupes de jeunes à interroger leur rapport au corps et au vêtement, et à partager leur vécu face au harcèlement lié à l’apparence.
– En 2026, elle créera LE GRAND DÉFILÉ une grande forme participative qui poursuivra la réflexion sur les représentations sociales liées au féminin, dans une proposition à la croisée du théâtre, de la performance, de l’art plastique et de la mode.
À travers ses créations, Edith Amsellem construit un théâtre, où la scène devient espace d’expression, de réparation, et de réinvention collective.